Kering, BCG et Bain : anatomie d’un virage stratégique dans le luxe
Dans l’univers du marché du luxe, les grandes décisions se prennent rarement sous les projecteurs. C’est exactement le cas de Kering, qui a choisi de s’entourer de deux poids lourds du conseil, BCG et Bain & Company, pour revisiter en profondeur la manière dont le groupe pilote ses marques de luxe. Vu de loin, cela ressemble à un simple mouvement stratégique. Vu de près, c’est le signe d’une remise à plat assumée, qui touche à la fois la stratégie créative, la croissance, la durabilité et la façon dont les maisons dialoguent avec leurs clients.
Ce choix arrive à un moment où plus rien n’est figé dans le marché du luxe. Les comportements évoluent vite, les sensibilités aussi, et le simple prestige d’un nom ne suffit plus. Pour Kering, l’enjeu est clair : continuer à faire rêver, mais avec une vision plus structurée et plus responsable.
Un groupe de luxe qui se regarde en face
Lorsqu’un acteur comme Kering fait appel à BCG et à Bain & Company, cela signifie qu’il accepte de se laisser questionner. Sur le papier, le groupe possède déjà tous les ingrédients du succès. Des marques de luxe iconiques, une présence mondiale, des équipes créatives très suivies. Pourtant, les dirigeants savent que le luxe ne pardonne pas l’autosatisfaction.
Le rôle de ces cabinets est d’apporter un regard extérieur, parfois un peu brut, sur ce qui fonctionne vraiment et ce qui doit être réajusté. Comment chaque maison parle-t-elle à sa communauté. Le positionnement est-il suffisamment lisible.
Les arbitrages créatifs servent-ils la stratégie de long terme. Les réponses à ces questions ne sont jamais évidentes quand on a le nez dans le quotidien, d’où l’intérêt de confier cette analyse à BCG et Bain & Company, qui connaissent intimement les rouages du marché du luxe.
Gucci, Saint Laurent et les autres : une partition à plusieurs voix
Le portefeuille de Kering est riche, mais surtout très contrasté. On ne gère pas Gucci comme Saint Laurent, ni Balenciaga comme une maison plus discrète. Chacune de ces marques de luxe a son langage, ses obsessions, sa clientèle. L’enjeu pour le groupe est de rendre ces identités encore plus nettes, sans les enfermer.
Pour Gucci, dont la visibilité médiatique est presque permanente, le travail avec BCG et Bain & Company peut consister à rééquilibrer l’image, à doser différemment le spectaculaire et l’iconique, à clarifier le message sur certaines lignes. Pour Saint Laurent, dont la signature est plus minimaliste, il s’agit plutôt de pousser la stratégie d’expansion sur des territoires où la marque est encore sous-exploitée, sans perdre ce fameux esprit rive gauche qui fait sa force.
Ces ajustements, d’apparence subtile, sont au cœur de la collaboration. Ils déterminent la manière dont chaque maison se positionnera dans le marché du luxe dans cinq ou dix ans, à l’heure où les goûts des nouvelles générations sont tout sauf prévisibles.
Le luxe confronté à la durabilité
Impossible aujourd’hui de parler de stratégie dans le luxe sans aborder la question de la durabilité. Sur ce terrain, Kering a pris de l’avance en affichant très tôt des objectifs ambitieux. Mais entre les engagements et la réalité des ateliers, des usines, des boutiques et des entrepôts, il reste toujours des zones grises.
C’est là qu’interviennent BCG et Bain & Company. Leur rôle est d’aider le groupe à transformer la durabilité en levier structurant, et pas seulement en promesse. Comment réduire l’empreinte carbone des marques de luxe sans sacrifier la qualité des matières. Comment intégrer davantage de circularité. Comment rendre les chaînes d’approvisionnement plus transparentes.
Pour les clients du marché du luxe, ces questions deviennent de plus en plus centrales. Beaucoup veulent continuer à s’offrir des pièces fortes, mais ils se demandent comment elles ont été fabriquées, et ce qu’elles laisseront comme trace derrière elles. Si Kering réussit à articuler désir, excellence et durabilité, le groupe pourra prendre une longueur d’avance.
Quand les données deviennent un outil discret de désirabilité
Pendant longtemps, le luxe s’est raconté comme un monde de flair et d’instinct. On imaginait le directeur artistique ou la directrice de maison prenant des décisions presque à l’intuition.
L’image est séduisante, mais elle est aujourd’hui complétée par une autre réalité : celle des données.
Avec l’aide de BCG et de Bain & Company, Kering s’appuie sur les données pour éclairer ses choix, sans renoncer à la part d’instinct qui fait la magie d’une collection. Les données permettent de comprendre ce qui se passe en boutique, sur les sites e-commerce, sur les réseaux sociaux. Elles montrent quels marchés émergent, quels produits créent un attachement durable, où se situent les frictions dans le parcours client.
Cette lecture fine du réel permet d’ajuster la stratégie de distribution, d’affiner les volumes, de mieux anticiper les risques. Dans l’ombre, les données contribuent à rendre chaque marque de luxe un peu plus pertinente, un peu plus alignée avec les attentes d’un public multiple et changeant.
Un signal adressé au marché et aux clients
En rendant publique cette collaboration avec BCG et Bain & Company, Kering ne s’adresse pas qu’aux analystes financiers. Le groupe envoie aussi un message à ses clients et à ceux qui suivent de près l’évolution du marché du luxe. Ce message, c’est celui d’un géant qui choisit de se remettre en question plutôt que de s’endormir sur ses succès.
Pour les consommateurs, même s’ils ne voient pas tous les rouages, cela se traduira par des collections plus lisibles, des expériences plus cohérentes, une durabilité plus tangible. Pour les talents qui travaillent ou travailleront demain dans ces maisons, c’est la preuve que la stratégie n’est pas une simple slide de présentation, mais une matière vivante qui évolue.
Kering, un laboratoire à ciel ouvert pour le luxe de demain
Au fond, cette alliance entre Kering, BCG et Bain & Company ressemble à un laboratoire à grande échelle. Le groupe teste une manière nouvelle de piloter ses marques de luxe, en mêlant exigence créative, discipline stratégique, attention aux données et engagement sincère en matière de durabilité.
Les résultats ne seront pas visibles du jour au lendemain, mais ils pourraient, à terme, redéfinir certains standards du marché du luxe. Un luxe où l’on continue à rêver devant une campagne, une vitrine ou un défilé, tout en sachant que derrière l’image se cache une réflexion profonde sur l’impact, la cohérence et la responsabilité. Si cette trajectoire se confirme, Kering pourrait bien s’imposer comme l’un des groupes les plus structurants de cette nouvelle ère.
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