Exportations horlogères suisses en repli vers les États-Unis
Le secteur des exportations horlogères suisses traverse une zone de turbulences sur le marché américain. En septembre 2025, la Fédération de l’Industrie Horlogère (FH) a relevé un recul de 3,1 % des exportations totales à 2,0 milliards de francs, avec une « correction significative » vers les États-Unis.
Dans le détail, les montres suisses à destination des USA ont chuté de 55,6 % sur le mois, à environ 157,7 millions de francs, faisant reculer l’Amérique de premier à troisième marché d’exportation. Cette contraction exceptionnelle pèse sur la confiance d’un secteur emblématique qui sortait à peine d’une année 2024 en léger repli de 2,8 %.
D’où vient la chute vers les États-Unis ?
Le principal choc tient aux tarifs douaniers américains relevés à l’été 2025, jusqu’à 39 % pour plusieurs catégories de produits suisses, dont l’horlogerie. Ce relèvement a entraîné des à-coups de livraison, un surstock temporaire en amont et un net frein sur les commandes de fin d’été.
Les séries statistiques montrent d’ailleurs un bond d’anticipation en juillet, suivi d’une cassure en août puis d’une chute marquée en septembre, ce qui confirme l’effet prix et calendrier.
Au-delà des droits de douane, trois facteurs amplifient la tendance. D’abord un consommateur américain devenu plus sélectif, sensible aux hausses tarifaires répercutées en boutique. Ensuite la force relative du franc, qui altère la compétitivité prix des montres suisses lors des ajustements de catalogues.
Enfin une concurrence plus vive sur le segment d’entrée et de milieu de gamme, où les arbitrages entre montres mécaniques et montres connectées restent fréquents.
Les conséquences pour l’écosystème horloger suisse
Sur le court terme, les maisons ajustent les volumes de production à la demande américaine et redéploient les allocations vers l’Europe et l’Asie pour lisser le risque. Les acteurs de la sous-traitance, très exposés aux cycles de nouveautés, subissent des variations de charge plus brusques.
La FH relevait déjà à mi-2025 une stabilité en trompe l’œil, cachant de fortes disparités entre marchés et segments de prix, confirmées depuis par la faiblesse américaine.
Sur le moyen terme, l’effet mix est clé. Les catégories acier ont mené le repli cet été, tandis que l’entrée de gamme a mieux résisté certains mois. La compression des volumes USA dégrade le mix et peut rogner la marge opérationnelle, surtout si les hausses de prix ne passent pas totalement.
Les groupes diversifiés s’appuient alors sur la rotation de nouveautés, la rareté organisée et le service après-vente pour soutenir la valeur perçue.
Prix, devises et élasticité de la demande
Face aux tarifs douaniers, deux stratégies coexistent. Certains détaillants absorbent partiellement la hausse pour préserver le trafic. D’autres l’intègrent aux étiquettes, en modulant les dotations.
Dans tous les cas, l’élasticité prix devient critique aux États-Unis, où l’offre concurrente premium non suisse et le marché de seconde main structurent davantage les arbitrages.
Les segments haut de gamme souffrent d’un effet psychologique lorsque le seuil symbolique est franchi, mais la clientèle de collectionneurs reste engagée sur pièces iconiques et éditions limitées.
Comment les marques réagissent ?
Calendrier d’innovations resserré
Les nouveautés aux cycles plus courts, avec des collections limitées, entretiennent la désirabilité sans gonfler les stocks. Les lancements s’appuient sur des mouvements propriétaires, des alliages différenciants et une identité forte.Distribution et e-commerce
Accélération du e-commerce propriétaire aux États-Unis et rationalisation du réseau wholesale pour préserver les prix. L’objectif est de garder la maîtrise du discours et des données clients.Valeur perçue et storytelling
Le renforcement du savoir-faire suisse, la traçabilité des composants et la durabilité des pièces (réparabilité, pièces détachées) soutiennent la prime de marque face à la pression prix.Couverture du risque et pricing
Ajustements de pricing différenciés par référence, couvertures de change plus serrées et logistique modulée pour éviter les à-coups de droits de douane.
Le rôle des salons et de la visibilité internationale
Les rendez-vous sectoriels restent essentiels pour rebrancher l’émotion. Le SIHH s’appelle désormais Watches and Wonders Geneva, avec un format plus ouvert qui amplifie la portée médiatique et la relation avec les détaillants internationaux, y compris américains. Dans un contexte de marché américain chahuté, ces plateformes nourrissent la prise de commande hors-USA et confortent le rayonnement des marques, en attendant un retour de cycle.
Scénarios pour 2026
Plusieurs trajectoires sont sur la table. Un atterrissage en douceur si les tarifs se normalisent et si l’inflation des prix de vente se tasse. Un scénario médian où l’Amérique reste le maillon faible mais où l’Europe et certains marchés asiatiques compensent. Et un scénario prudent avec droits de douane durables, obligeant les maisons à redessiner leur mix produits pour maintenir la marge, tout en capitalisant sur l’innovation et la rareté.
La FH note que, hors impact américain, la dynamique sous-jacente reste moins défavorable qu’il n’y paraît, signe que le cœur de désirabilité du made in Switzerland demeure intact.
À retenir
La baisse marquée des exportations horlogères suisses vers les États-Unis s’explique d’abord par les tarifs douaniers de 2025 et leurs effets collatéraux sur les prix et les calendriers de livraison.
Les conséquences se voient dans le mix, la distribution et la gestion de stock, mais l’industrie horlogère conserve des leviers puissants pour amortir le choc: innovation produit, raréfaction maîtrisée, circuits de vente mieux intégrés et plateformes d’influence comme Watches and Wonders Geneva.
À court terme la prudence s’impose, à moyen terme l’atout patrimonial de la montre suisse reste un bouclier crédible.
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