Ce contenu est réservé aux abonnés
Simon Porte Jacquemus au Collège des Bernardins : une scène d’art contemporain pensée comme un défilé silencieux
Quand Simon Porte Jacquemus endosse le rôle de commissaire d’exposition, c’est toute une grammaire du luxe qui bascule dans l’art contemporain. Connu pour sa poésie solaire et ses scénographies radicales, le créateur transpose au Collège des Bernardins une vision où l’espace devient matière, la lumière un tissu et le regard du visiteur un geste de couture.
À Paris, ce monument cistercien du XIIIe siècle accueille une proposition qui lie esprit, sensorialité et culture, loin des codes marchands de la mode mais fidèle à son énergie.
Un lieu, une mémoire, une acoustique de pierre
Choisir le Collège des Bernardins n’a rien d’anodin. Sa nef gothique, ses arcs élancés et la douceur des pierres calcaires imposent une dramaturgie naturelle.
Ici, Simon Porte Jacquemus ne plaque pas un décor sur un cadre prestigieux, il compose avec la verticalité du lieu.
La lumière, filtrée par les hautes baies, guide le parcours et crée des zones d’intimité. Le dialogue patrimoine et création s’écrit sans fracas, par la mesure et la retenue, qualités chères au créateur.
La méthode Jacquemus côté curation
En commissaire d’exposition, Simon Porte Jacquemus privilégie un récit en chapitres plutôt qu’une accumulation d’œuvres. On avance comme dans un défilé ralenti, d’une installation à l’autre, avec des pauses pensées pour le regard. Les matériaux sont simples mais précis: bois, lin, pierres, végétaux, projections discrètes. L’esthétique minimale sert la charge émotionnelle.
La mode n’apparaît jamais comme produit, seulement comme langage. On y retrouve trois obsessions du créateur: la ligne, la lumière, la proportion.
Une exposition immersive qui privilégie l’expérience
Le parcours s’aborde comme une marche méditative. Certaines salles jouent la rareté et le vide, d’autres l’accumulation mesurée. L’interaction n’est pas gadget: le public est invité à adopter un rythme, à se placer, à écouter.
Des performances ponctuelles activent l’espace, tandis que des interventions sonores prolongent l’architecture. L’expérience prend le pas sur l’explication, dans l’idée que l’art se comprend aussi par le corps et non seulement par le cartel.
Provence intérieure, Paris spirituel
La Provence irrigue le projet sans folklore. Simon Porte Jacquemus convoque la mémoire des champs blonds, des oliviers torsadés, des camaïeux d’ocres et de blancs. Cette palette trouve un écho naturel dans la pierre claire du Collège des Bernardins.
On croit sentir la chaleur d’un après-midi d’été capturée par la fraîcheur d’une nef médiévale. Ce frottement entre Sud et capitale, nature et cité, intimité et monumentalité, compose une signature immédiatement reconnaissable.
Mode et art : un dialogue sans hiérarchie
Plutôt que d’aligner des références, l’exposition propose une conversation. La mode apporte sa maîtrise du rythme, de la coupe, de la mise en scène. L’art contemporain offre le temps long, l’épaisseur conceptuelle et l’ouverture du sens.
Chez Simon Porte Jacquemus, le vêtement devient souvenir, la couleur devient saison et la silhouette devient architecture. Ce va-et-vient redéfinit les frontières : le podium devient salle d’exposition, la collection devient narration visuelle.
Un programme vivant entre performances et rencontres
Parce que la curation ne se limite pas à l’accrochage, un calendrier d’événements anime la nef: performances silencieuses, lectures au crépuscule, ouverture d’atelier pour jeunes publics, visites commentées autour de l’architecture cistercienne.
L’objectif n’est pas d’ajouter du bruit, mais de prolonger la sensation par des formats courts et sensibles. Les réseaux sociaux, utilisés avec parcimonie, servent à documenter le processus, jamais à le surligner.
Réception critique et enjeux de scène parisienne
Les premiers échos saluent l’audace d’un créateur qui ne confond pas marketing et muséal. La presse lifestyle souligne l’alignement entre identité Jacquemus et sobriété du Collège des Bernardins. Les critiques d’art apprécient l’économie de moyens, la justesse des gestes et la cohérence d’un propos qui laisse respirer l’architecture. Pour la scène parisienne, cette initiative confirme un mouvement de fond : les maisons et designers de mode abordent l’exposition non comme un relais commercial, mais comme un espace de recherche.
Pourquoi cela compte pour le luxe aujourd’hui ?
Le luxe contemporain ne se résume plus à l’objet rare. Il s’incarne dans des expériences signées, dans un rapport exigeant au temps, dans des lieux choisis avec sens. En traversant le pont mode et art contemporain, Simon Porte Jacquemus fabrique de la valeur culturelle, celle qui survit à la saison et nourrit la mémoire des lieux.
Cette exposition rappelle qu’un créateur peut être un auteur d’espace, qu’un vêtement peut devenir un souvenir, et qu’un monument peut accueillir une vision sans se renier.
Conseils de visite pour une expérience amplifiée
Arriver tôt pour profiter de la lumière rasante. Laisser le smartphone en poche quelques minutes dans la nef pour éprouver le silence. Revenir le soir si une performance est annoncée, la perception change avec l’acoustique nocturne.
Enfin, flâner dans le quartier pour prolonger la sensation de suspension que le Collège des Bernardins installe naturellement.
Une vision artistique qui fait école
Avec ce rôle de commissaire d’exposition, Simon Porte Jacquemus ouvre une nouvelle dimension de son écriture. L’exposition immersive au Collège des Bernardins tisse un lien rare entre patrimoine et présent, Provence intime et Paris spirituel, mode et art contemporain.
Plus qu’un événement, c’est une proposition de regard: voir moins pour ressentir plus, écouter l’espace pour mieux se souvenir. Une voie exigeante, profondément personnelle, qui consolide la place de Jacquemus parmi les auteurs visuels de son époque.
Source : Lire l’article original
