businessLuxe et dépendance : les maisons et leurs clients privilégiés

Luxe et dépendance : les maisons et leurs clients privilégiés

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Luxe et dépendance, quand les maisons cultivent leurs clients les plus précieux

Dans l’univers du luxe contemporain, il existe une vérité que les maisons tiennent rarement à afficher publiquement. Une part disproportionnée de leur chiffre d’affaires provient d’un nombre très limité de clients. Ces clients sont les VIC, pour Very Important Clients, parfois appelés top spenders ou clients stratégiques.

Ils achètent plusieurs fois par an, paient plein tarif, voyagent pour un défilé, réservent une pièce haute joaillerie sans l’avoir essayée et deviennent, par leur style de vie, les meilleurs ambassadeurs de la marque. Cette clientèle est précieuse, elle est aussi exigeante. Et la dépendance à son égard devient un sujet pour les maisons de luxe.

Qui sont vraiment les VIC du luxe international ?

Les VIC ne sont plus uniquement les vieilles familles européennes qui achetaient une parure par génération. Depuis vingt ans, la montée des fortunes en Asie, au Moyen Orient et en Amérique latine a créé une nouvelle élite de consommateurs.

Entrepreneurs tech, héritiers du Golfe, femmes d’affaires chinoises, collectionneurs d’art ou de montres, tous ont un point commun. Ils recherchent une relation personnalisée avec la maison. Pas seulement un sac. Une reconnaissance. C’est pour cela que les grandes marques ont structuré des équipes VIC, des salons privés et des clienteling apps réservées. Le message est clair. Vous êtes au centre.

Des attentes qui obligent les marques à se transformer

La première évolution est que ces clients ne veulent plus seulement le produit le plus cher. Ils veulent l’expérience de luxe la plus rare. Accès à des capsules en avant première, visite d’atelier, essayage dans une suite d’hôtel, livraison par un conseiller parlant leur langue, storytelling transparent sur le cuir ou la gemme.

Les VIC sont eux mêmes prescripteurs. Ils publient sur Instagram, invitent leurs cercles, recommandent ou non la marque. Ce sont de véritables influenceurs privés. Pour les séduire, les maisons ont dû intégrer dans leur discours des sujets plus sensibles, notamment la durabilité, la traçabilité et l’engagement sociétal, parce que ces thèmes comptent désormais chez les ultra riches aussi.

Une dépendance qui peut fragiliser les maisons de luxe

Le revers existe pourtant. Quand 20 à 40 pour cent des ventes d’un marché viennent d’un portefeuille de clients limité, la marque devient vulnérable. Une crise sanitaire, un changement de gouvernement, une fermeture de frontières, une réorientation d’investissement, et ces clients réduisent très vite leur consommation.

On l’a vu pendant la pandémie. Les clients privilégiés ont appuyé sur pause plus rapidement que la clientèle premium classique. Ils n’avaient simplement plus l’occasion de porter ces pièces. Cela a rappelé aux groupes que la diversification de clientèle est une démarche de sécurité autant que de conquête.

La réponse, ouvrir sans banaliser

Pour rééquilibrer leurs revenus, les maisons travaillent sur deux axes. Le premier est l’élargissement des segments. Les millennials et les Gen Z à haut potentiel sont ciblés avec des lignes plus accessibles, des collections digitales, des drops en quantité limitée. On ne trahit pas le luxe, on crée un sas d’entrée.

Le second axe est la géographie. Les VIC historiques sont toujours là, mais les marques regardent désormais l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud Est, des villes de second rang en Chine ou en Arabie saoudite. L’idée est de ne pas tout miser sur un seul bassin d’ultra riches.

L’omnicanal comme colonne vertébrale

Impossible aujourd’hui d’adresser uniquement ses clients en boutique. Le parcours omnicanal permet de suivre un VIC dans ses déplacements. Il voit une pièce sur les réseaux, il la réserve sur l’application privée, il essaye à Dubaï, on lui livre à Paris. Cette continuité alimente la fidélité de long terme.

Elle permet aussi de capter d’autres profils qui n’auraient pas poussé la porte d’une boutique flagship. Pour les marques, le digital n’est plus un canal de volume seulement, c’est un canal de relation. On y invite à des live exclusifs, on y montre les ateliers, on y fait parler le directeur artistique. C’est un service rendu aux VIC.

Les réseaux sociaux comme amplificateur discret

Les VIC sont très présents en ligne, parfois sous leur vrai nom, parfois de façon anonyme. Ils observent ce que fait la marque, ce qu’elle soutient, avec qui elle collabore. Un lancement avec un artiste reconnu, une collection éco conçue, un dîner en marge d’une foire d’art, tout cela les touche.

Les réseaux sociaux de luxe sont donc devenus un espace de micro communication, plus feutré, qui nourrit le sentiment d’appartenance. Les maisons doivent cependant rester authentiques, car cette clientèle voit vite quand un message sonne creux ou quand la promesse d’exclusivité est trop marketing.

Fidéliser avec l’expérience et pas seulement avec le produit

Pour conserver ces clients stratégiques, les marques de luxe montent en gamme sur le service relationnel. Invitations à des défilés fermés, visites de manufactures de haute horlogerie, accès à des collections limitées, rendez vous avec le directeur de la joaillerie, services de conciergerie sur mesure. Ce que recherchent les VIC, c’est la preuve qu’ils sont connus, reconnus et attendus.

Quand cela est vrai, ils restent. Quand cela ne l’est plus, ils partent vers une autre maison. D’où la nécessité pour les groupes de former leurs équipes et de leur donner des outils de suivi client très fins.

Un avenir à équilibrer

La leçon est donc assez simple. Les VIC resteront essentiels à la croissance du luxe, car ce sont eux qui achètent les pièces à très forte marge et qui créent la désirabilité autour des marques. Mais les maisons ne peuvent pas s’en remettre uniquement à eux. Il faut bâtir une base de clients élargie, capable de soutenir l’activité en période de ralentissement, tout en continuant à choyer les grands acheteurs. Les maisons qui réussiront seront celles qui sauront articuler ces deux vitesses, exclusivité d’un côté, accessibilité maîtrisée de l’autre.

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